C’est sans doute l’un des plus sérieux handicaps au marche de l’art français. La taxe à l’importation, ou comment s’en débarrasser.

TVA, un cas délicat. C’est Jean-Jacques Aillagon, dès sa nomination au ministère de la Culture et de la Communication, qui a relancé le débat. Au cours de sa première conférence de presse, le 4 juillet 2002, il a fait savoir qu’il entendait ouvrir plusieurs chantiers relatifs au marché de l’art, dont celui de la TVA à l’importation. Une semaine plus tard, à l’occasion de la première convention du Syndicat national des maisons de ventes volontaires (SYMEV), il déclarait : « La TVA à l’importation peut décourager la localisation en Europe de ventes importantes et n’assure que de faibles recettes au budget de l’État » ; lesquelles sont évaluées à 6,09 millions d’euros. Le régime de TVA applicable aux œuvres d’art résulte de la directive communautaire du 14 février 1994, transcrite dans le droit national le 29 décembre de la même année. La directive repose sur un principe général : les ventes de biens à destination de pays qui ne font pas partie de l’Union européenne sont exonérées, car les exportations sont porteuses de croissance et d’emplois. En revanche, les importations, quelle que soit la qualité de la personne qui les effectue, sont taxées, afin de dissuader les achats hors Union européenne. Mais, en matière artistique et culturelle, on sait que les exportations appauvrissent le patrimoine. De plus, la taxation à l’importation représente un handicap pour le marché de l’art dans un contexte de concurrence entre les places internationales (la TVA à l’importation n’existe ni aux États-Unis, ni au Japon). Elle constitue un obstacle au retour des œuvres d’art en mains étrangères. Pour ces motifs, au cours de la négociation, la Commission avait proposé en décembre 1988 de taxer l’exportation des œuvres d’art et d’en exonérer l’importation. Curieusement, la majorité des États membres, y compris la France mais à l’exception notable du Royaume-Uni, s’étaient opposés à cette inversion des principes de taxation. En effet, concernant la création contemporaine, le Comité des galeries d’art avait fait valoir que cette inversion conduirait à exonérer l’importation par une galerie d’art de l’œuvre d’un artiste américain, tandis que l’achat qu’elle effectuerait auprès d’un artiste travaillant en France serait taxé. Deux mesures d’assouplissement ont néanmoins été prévues. L’importation des œuvres d’art, des objets de collection et d’antiquité, tels que définis par l’article 98-A de l’annexe 3 du Code général des impôts, est imposée au taux réduit de 5,5 %. De plus, les biens importés temporairement en vue d’être exposés bénéficient d’un régime suspensif. En conséquence, dans le cas d’une vente aux enchères publiques, les œuvres d’art sont admises en exonération de droits, et ne sont pas considérées comme importées tant que la vente n’a pas eu lieu, à condition qu’elle intervienne dans un délai de deux ans. Lors de l’adoption de la directive, la Commission s’était engagée à examiner l’incidence de la TVA sur la compétitivité du marché communautaire de l’art. Son rapport, remis en avril 1999, constate que parmi les quatre États membres qui ont répondu au questionnaire (Allemagne, Grèce, Suède, Royaume-Uni), seul le Royaume-Uni émet des réserves. Effectivement, malgré un taux dérogatoire de 2,5 % en vigueur jusqu’à fin juillet 1999, on observe une diminution des importations d’œuvres d’art au Royaume-Uni après l’introduction de la TVA. Le rapport met par ailleurs en évidence la multiplication par treize, entre 1995 et 1998, des cas d’utilisation de l’importation temporaire, en liaison avec le développement de l’activité des maisons de ventes aux enchères. La Commission en a conclu que « l’adoption de la directive n’a pas eu d’incidence déterminante sur le marché communautaire de l’art et que toute proposition législative en la matière est superflue ». Cette analyse n’est pas partagée par la demi-douzaine de rapports publics consacrés au marché de l’art en France ces dernières années. L’un des derniers en date (octobre 2001) émane de l’inspection générale des Finances et a été rédigé sous la conduite de Guillaume Cerutti, directeur de cabinet du ministre de la Culture. Les auteurs du rapport considèrent en outre que « la mécanique communautaire est trop lourde, la Commission trop hostile à une modification des textes en vigueur et la majorité des pays de l’Union trop peu motivés par le sujet pour espérer un retour en arrière ». À noter que ce rapport préconise de nouveaux assouplissements, à l’occasion de la procédure de révision de la liste des biens soumis au taux réduit de TVA, qui pourrait être mise en œuvre en 2004. Ce taux réduit pourrait alors être étendu aux œuvres et objets d’art qui n’en bénéficient pas à ce jour, par exemple les manuscrits, bijoux ou meubles de moins de cent ans d’âge. Comme on le sait, le président de la République et le gouvernement se sont déjà engagés en faveur d’une semblable mesure pour le disque et la restauration